100km de Millau suite : "Je suis fatigué ..." : chronique d'un suiveur
Je suis fatigué, mais tout va bien !
Cette petite phrase anodine est lancée au 60ème kilomètre par un de nos coureurs lorsque je m’inquiète de sa
forme physique et morale dans une côte à plus de 7%.
Elle est déjà pour moi une parole de réconfort, puisqu’un de nos participants était en difficulté au 42eme km.
L’inquiétude de ceux qui ne courent pas commence !
Ca y est, c’est parti, les coups de téléphone fusent entre suiveurs pour savoir, mais pas trop quand même, ils ne
doivent pas trop en dire et préserver la santé morale de leur coureur. On verra plus loin que c’est la tête qui finira
la course.
Je sens que la course prend une autre dimension, la route s’élève, la chaleur annoncée est bien présente, tous
les ingrédients sont réunis pour que chacun écrive son histoire de « 100 bornard ».
Après avoir circulé entre chacun de nos participants, 2 mots me viennent à l’esprit : courage et souffrance. Vous
me direz banal pour des ultra-marathoniens, je vous l’accorde, mais accordez-moi le droit de m’étonner et d’être
en admiration devant l’effort consenti par ces forçats du bitume. J’entends souvent parler de 333, de 555, de
dénivelé, de chrono etc... vous m’excuserez mais je ne m’habitue pas !
Comment peut-on trouver des ressources pour repartir de l’infirmerie alors qu’il reste encore 58 kms à parcourir ?
Comment peut-on encore regarder son GPS et penser à son chrono alors que les jambes vous abandonnent que
la nuit tombe et que l’on a déjà croisé les premiers sur leur retour ?
Et là, mes deux mots prennent tout leur sens.
Le Courage, il n’y a plus que cet ingrédient pour finir.
La Souffrance, elle est omniprésente, elle domine, quand ils marchent (vite si possible), que le dénivelé revient
inlassablement jusqu’au 90ème km, quand ils tentent de recourir (1 poteau sur deux !), elle ne les quittera plus !
A ce moment de la course, je n’évoquerai pas les ambitions de chacun, car le mythe des 100 km Millau reprend
ses droits, l’humilité est de rigueur.
Dans les ultimes kilomètres les mots des suiveurs valent toutes les barres énergisantes du marché (d’ailleurs
quel boulot de con ce rôle de suiveur !), la douleur est lisible sur tous les visages. J’avoue que dans les 10
derniers kilomètres mes sentiments s’opposent, l’admiration devant cette performance, et la colère, pourquoi
imposer à son corps de telles souffrances.
Puis, c’est l’arrivée, la délivrance, la joie, mais souvent elle ne sortira pas car le corps ne peut plus rien donner, il
n’aspire qu’à une chose : du repos. Les regards sont plus forts que les paroles, ils suffisent.
Devant ce tableau je me dis qu’ils tiendront parole « c’est la dernière fois que je fais une course aussi longue»,
puisque l’année dernière une fois l’arrivée franchie, certains l’avaient clamé haut et fort, mais une fois les petits
bobos partis, ils oublient !
Moi, je n’oublierai pas cette journée passée au milieu de cette bande de f.., et même si je ne peux tout
comprendre et encore moins ressentir le plaisir que procure cette épreuve, je suis tout simplement admiratif et fier
de ma compagne...
Chronique d’un suiveur (Yannick) qui ne court pas et qui aime l’aligot…